Dans le train rapide qui lemportait à plus de cent quarante kilomètres à lheure vers Paris, notre héros était persuadé quil ne tarderait guère, sans doute, à revenir vers Sainte-Foy-la-Grande, où lattendrait, fidèle comme Pénélope, la douce Natacha. Ne lavait-elle pas promis ? Il était loin de se douter quun sort aussi funeste que contraire sèmerait à plaisir de multiples obstacles sur sa route ô combien encombrée de héros feuilletonnesque !
Casablanca. Un an avait passé.
Eh oui ! Le temps, inexorable, indifférent au sort des humains, ne cesse jamais de sécouler : cest la loi. Dura lex, sed lex.
Mais il semblait quil sécoulât sans affecter notre héros outre mesure : privilège des élus du Destin. Notre ami navait rien perdu de sa vitalité, bien quil neût pas, à linstar de Faust, vendu son âme au diable : ses forces viriles restaient intactes, et provoquaient toujours ladmiration fervente de celles qui avaient le bonheur insigne de lapprocher ; ses facultés intellectuelles, sans cesse accrues, culminaient à une altitude si prodigieuse quon ne pouvait guère les comparer, Dieu était-ce possible ? quà celles de monsieur Lionel Jospin.
Et cependant...
Cependant, à mesure quapprochait lété, un subtil observateur aurait pu constater quune ombre sétait peu à peu installée sur le front noble et pur de notre personnage. Ce front hugolien abritait en effet une tempête sous un crâne.
« Abriter une tempête ? », penserez-vous : lexpression est hardie. Certes. Mais le héros de notre récit ne lest-il pas lui-même ? À destin extraordinaire, langage hors du commun !
Donc, un tourment assaillait, que dis-je, accablait celui dont vous lisez ici avidement les aventures.
Un tourment ! sursautez-vous. Comment cela se peut-il ? Notre homme na-t-il donc pas tout pour être heureux ? Jeune, beau, brillant, riche, vivant fastueusement dans une somptueuse villa entretenue par une nombreuse domesticité à lui dévouée corps et âme, recherché par la meilleure société casablancaise, ô combien raffinée, admiré des plus grands esprits des cinq continents, adulé par les femmes les plus élégantes, regardé par ses chefs comme lun des meilleurs éléments, mais non, comme LE meilleur élément des Services, que lui manquait-il donc ? »
Cest ce que vous apprendrez probablement en lisant notre prochain épisode, lequel, nous lespérons, ne vous décevra pas.
En attendant, couvrez-vous bien, car les nuits sont fraîches.