Au risque de nous répéter, nous nhésiterons pas à réaffirmer que rien nest banal lorsquon est marqué par le sceau du Destin. Ainsi, par exemple, vous, lecteurs bien-aimés, lorsque le facteur vient sonner à votre porte que, soit dit entre nous, vous pourriez bien repeindre de temps en temps , vous ne vous attendez certes pas quil vous apporte quoi que ce soit dexceptionnel, alors que le même zélé fonctionnaire sonnant au 93 rue de Ménilmontant, demeure de JB à Casablanca, cest Hermès lui-même, porteur dun message de lOlympe. Hélas ! Les Dieux ont-ils cessé dêtre favorables à notre héros, pour que celui-ci se voie brusquement privé de ses honorables moyens dexistence ? Si encore un espoir demeurait ! Mais non, JB savait bien que tout, désormais, était consommé, hormis son union, toujours remise, avec la douce Natacha, dame de ses pensées.
La nuit la plus longue sachevait. Ce nétait pas laurore aux doigts de rose, mais une aube blâfarde, qui en marquait le terme.
Passant, éloigne-toi ! Si, par imprudence, tu taventurais du côté de la chapelle privée où nous avons laissé notre héros, tu risquerais dentrevoir un spectacle qui te glacerait dhorreur : la vision épouvantable dun spectre se glissant hors de son caveau.
Il ne sagissait pourtant pas dun spectre, et la silhouette qui émerga dans la lumière crépusculaire du matin appartenait bien à un être vivant. Mais quel être vivant ! Hâve, les yeux rougis par la longue veille, les joues bleuies de barbe, raide déchine du fait de lankylose, titubant, bref, en tous points semblable à Lazare sortant du tombeau, tel sortit de la chapelle JB encore hagard et du reste, nos lecteurs ne sont pas sans avoir entendu parler de lhagard saint Lazare !
Ce spectre, pourtant, navait que lapparence dun homme défait. Et, pour vous prouver quil ne faut en aucun cas se fier aux apparences, nous vous dirons tout de suite que JB avait retrouvé toute sa détermination. Oui ! Ce nétait pas un homme vaincu, mais un homme résolu, qui resurgissait ainsi à la lumière symbôle , un homme que le Ciel avait daigné inspirer, et qui désormais ne dévierait plus de sa route.
JB avait en effet pris sa décision : il poursuivrait son chemin, inexorablement.
Poursuivre son chemin ? Certes, mais comment, puisquil était avéré quON ne voulait plus de lui ? Nétait-ce point là une gageure ?
Pour quiconque autre que lui, sans doute. Mais pas pour notre héros !
ON le congédiait ? Fort bien. Et sans condescendre à le lui dire de vive voix, ON lui apprenait sa disgrâce par le biais dune banale lettre ronéotypée, pas même personnelle ? À merveille. ON ne prenait seulement pas la peine de lui exprimer des regrets, fussent-ils de pure forme ? Parfait. ON se contentait de le remercier en des termes dont la froideur confinait à linsulte ? Tant mieux.
Il changerait donc demployeur !
Un traître ! Notre héros magnanime va-t-il donc devenir un traître ? Non ! Chers lecteurs, dites-nous que ce nest pas possible ! Lui qui incarnait le patriotisme plus encore que monsieur Jean-Marie Le Pen et Jeanne dArc réunis, lui qui eût fait rentrer sous terre Déroulède, lui que le Général aurait certainement décoré si, après tant de succès et de triomphes nous parlons de ceux du Général , il navait fini prématurément par une réussite ! (private joke
Hélas, pour en savoir davantage, il nous faudra, tout comme vous, lecteurs, attendre le prochain épisode. En attendant, ne roulez donc pas sur le verglas, car vous navez quune vie.