Si vous nous avez suivi jusquici, amis lecteurs, vous nignorez plus que le Destin frappe où il veut, et que nul nest épargné. Les héros eux-mêmes succombent à ses coups. Ainsi, notre agent secret, JB-000, après une carrière courte mais fructueuse, marquée par de multiples succès au service de la patrie, sapprête à connaître les méfaits de la disgrâce. Mais sil doit grossir le nombre des chômeurs, pourra-t-il du moins, tel le PDG dune grosse société pétrolière congédié avec dénormes indemnités de licenciement, entrer dans la peau dun chômeur de luxe ? Et sera-t-il à même, à présent quil a du temps libre, dépouser et surtout de faire vivre sur un pied digne delle la douce Natacha, dès sa naissance à lui destinée ?
JB avait toujours été un homme de bon sens. Sans même laide et les conseils avisés dÉlizabeth Teissier, depuis ses débuts, il pressentait quun jour viendrait où il devrait faire face à un retournement de situation. Certes, lidée de se voir brutalement licencié ne lavait jamais effleuré, mais dautres aléas parsèment lexistence mouvementée dun tel pilier des Services. Il eût pu, par exemple, être blessé en service commandé, ce qui leût contraint à quitter le service actif. Que faire dans ce cas ? Prendre une place dans un bureau, finir comme un gratte-papier dans la pire des hypothèses, ou se voir attribuer un placard honorifique dans la meilleure ? Non ! Pas ça, et pas lui ! Si par malheur une telle chose devait arriver, il se retirerait dignement et changerait de profession.
Aussi avait-il pris ses précautions : un tel homme dexception ne sembarque pas sans biscuits. Mettant à profit les avantages que lui offrait son métier, il navait jamais manqué de glâner, au hasard de ses missions à létranger, toutes sortes dinformations précieuses, qui savéreraient utiles en cas de coup dur. Comment les avaient-il acquises ? Permettez-nous, pour une fois, dobserver la discrétion la plus absolue, et de ne point dévoiler nos sources. Il y a danger à parler trop. Sachez cependant quun soir, dans un bar dune grande ville des États-Unis connue pour avoir accueilli des Jeux Olympiques endeuillés par un attentat à la bombe, il avait été abordé par un individu au demeurant daspect convenable, qui lui avait relaté lhistoire suivante : cadre de haut niveau dans une firme mondialement connue et qui fabriquait une boisson gazeuse destinée aux jeunes, il avait, à la suite dune tentative de chantage consécutive à ses goûts amoureux, été contraint de cambrioler le coffre-fort de la Direction générale et dy dérober la formule ultra-secrète du célèbre breuvage. Mais, par un hasard extraordinaire, son maître-chanteur, auquel il devait remettre le précieux document, avait été victime dun accident de la circulation un accident mortel ! Cest pourquoi nous parlons de « tentative » de chantage. Cet homme, ainsi, sétait retrouvé en possession dun secret dont nul ne savait quil le détenait, et il avait décidé, toutes réflexions faites, den profiter et de lexploiter pour son propre compte. Par conséquent, il se déclarait déterminé à le négocier au prix fort, et il le proposait en priorité au plus grand agent secret de la France éternelle. Cette proposition, confidentielle, JB devait la transmettre à son gouvernement.
Patriote jusquau bout des ongles, JB avait donc transmis. Mais vous savez ce quil en est, lecteurs : en France, on a de tout, sauf de la présence desprit. Saisir les bonnes occasions (les « opportunités », disent les cons), on ne sait pas. Quant à la sclérose de ladministration, elle est proverbiale. La proposition avait donc été repoussée par le gouvernement français. JB, en toute discrétion, avait alors contacté le monde industriel et celui des affaires, et posé quelques jalons : ses amitiés étaient des plus diverses ! Nen disons pas plus. Sachez simplement quune somme rondelette avait été mise à sa disposition, et quil avait pu conclure laffaire à titre privé.
Quoi ! vous écriez-vous, un Français connaîtrait ainsi le secret le mieux gardé de la planète ! Celui qui permettrait de fabriquer cette boisson mythique dont le nom sécrit en deux parties, la première partie évoquant une drogue fort répandue, et la deuxième se prononçant comme le nom dun célèbre navigateur français péri en mer ! (Et non : ce nest pas Marie-Jeanne Tabarly)
Nous avons du mal à croire une telle fable, pensez-vous.
Eh bien vous avez tort, car nous publierons bel et bien cette formule secrète, si nous ne sommes pas assassinés avant.
En attendant, ne passez pas trop de temps devant votre télévision, vous commencez à perdre la vue et lesprit.