(Première heure)
Chère Taslima, jignore si, au Bangladesh où vous êtes née, on utilise beaucoup le poil à gratter, ou si au contraire vos fakirs en sont restés à la planche à clous. Ici, à Rien à cirer, le poil à gratter, cest notre outil de travail, et nous nous faisons un devoir et une joie den poudrer Les ignares qui abusent du mot « saupoudrer » devraient savoir que ce verbe signifie « poudrer avec du sel ».de quelques pincées léchine de nos invités.
Mais que cela ne vous décourage pas ; car, ainsi que le reconnaîtra Marie-Paule Belle à la fin de lémission que nous ferons le 30 janvier prochain à Clermont-Ferrand oui, je suis un peu devin, comme je vous lai expliqué récemment , nous ne sommes pas vraiment rosses avec nos hôtes. Il arrive même quentre lun deux et un membre de léquipe naisse une solide amitié, et, pourquoi pas ? davantage si affinités, comme on la vu entre Valérie Kapritsky et Laurent Ruquier, entre Guy Lux et Frédéric Lebon, ou entre Élizabeth Teissier et Didier Porte. Valérie Kaprisky, invitée à Rien à cirer, sest abstenue de venir à lémission sous prétexte dune indisposition, sest contentée dy participer par téléphone, et sest violemment disputée en direct avec Ruquier, qui lasticotait sur ses rôles déshabillés au cinéma. Guy Lux, interviewé par lexcellent imitateur Frédéric Lebon, qui nimite que des femmes, a déclaré quil ne sattendait pas à se trouver confronté à un pédé. Et Didier Porte sest moqué avec esprit et pertinence de lastrologue Élizabeth Teissier, qui a exigé la lecture dun droit de réponse lors de lémission suivante.Tout cela pour vous dire que je suis chargé de vous inviter à Rien à cirer, si vous trouvez un moment, lors de votre prochain voyage en France enfin programmé.
Ah ! chère madame, laura-t-on attendue, cette émission de télé à laquelle Jean-Marie Cavada vous a conviée et qui occasionne votre visite ! Voilà ce qui sappelle entretenir le suspense ! On sen souvient, vous deviez naguère « passer chez Pivot », comme il faut dire en langage hexagonal (en bengali ou en suédois, je ne sais pas), puisque, chez nous, les émissions de télé semblent appartenir à leur présentateur et se dérouler dans son salon.
Malheureusement, seul un visa de vingt-quatre heures vous ayant été accordé par les autorités françaises, vous aviez annulé votre voyage à Paris. Taslima Nasreen, invitée à lémission de Bernard Pivot sur France 2, navait pu obtenir quun visa de vingt-quatre heures elle vit en Suède accordé par Charles Pasqua, ministre de lIntérieur. Elle avait donc renoncé à se déplacer. Plusieurs mois après cet incident, un autre visa, de quelques jours cette fois, lui a été fourni, et elle a pu venir à lémission de Cavada La Marche du Siècle. Vexée, vouliez-vous ainsi jouer les divas, ces prime donne dont le tour de tête rivalise avec le tour de taille ? Mais non, votre simplicité est à la mesure de vos mensurations encore raisonnables, ce ne pouvait donc être lexplication.
Fallait-il, dans ce cas, que vous fussiez naïve ! Dabord, pour croire quun voyage en France était indispensable à la cause que vous défendez ! Si la France était toujours le pays des Droits de lHomme, et non le pays du perpétuel blablabla auto-satisfait sur ces fameux Droits, ça se saurait, non ? Passons, je ninsiste pas. Mais si vous y teniez tant, à ce voyage chez nous, que navez-vous imité Tarek Aziz ? Étiez-vous si mal informée, dans votre lointaine Suède ? Ne saviez-vous pas quen 1993, ce très honorable vice-Premier ministre de Saddam Hussein, qui désirait rendre visite à Pasqua, sétait vu refuser le même visa par Juppé, alors ministre des Affaires Étrangères ? Eh bien, pourquoi sen faire ? Tarek Aziz était venu sans visa ! À la bonne franquette, quoi, comme un copain qui sinvite à prendre le café à la fin dun repas en famille. Au lieu de vous dire, à ce moment, déçue par la France, pourquoi navez-vous pas fait comme lui ?
Ah oui ! la protection de la police vous aurait, dans ce cas, fait défaut ? Cest vrai, tout le monde ne sappelle pas Georges Habache ou Yasser Arafat, qui sont les Laurel et Hardy de lhumanisme à visage de Kalachnikov. Que voulez-vous, le gouvernement français, dont les écrivains persécutés ne sont pas lunique souci, se doit de soutenir sa réputation bien établie de pétochardise, attribut qui fait sa gloire depuis quelques décennies hors de nos frontières et ceux qui ont un peu voyagé savent de quoi je parle, et à quel point létranger nous apprécie.
Cest que, protéger un écrivain condamné à mort par une poignée dignares imbéciles, fanatiques et le plus souvent illettrés, cest délicat et compromettant, pour un ministre ! Quest-ce quils en ont à faire, des écrivains, nos ministres ? De la littérature, ils ne retiennent que les bouquins quils font écrire à leur propre gloire par des nègres patentés. Demandez plutôt à votre glorieux aîné et collègue en fatwa Salman Rushdie, cet authentique génie je ne plaisante pas , que nul officiel, pas même le président Mitterrand, qui se laisse pourtant qualifier d« écrivain » par ses porte-coton (rions !), que nul officiel, dis-je, ne songeait à inviter en France, bien que Rushdie, citoyen britannique donc européen, en principe libre de circuler chez nous, ait par trois fois sollicité une invitation ; cela, avant que Christine Ockrent, et cest tout à son honneur, mette un soir au pied du mur le ministre de lIntelligence et de la Beauté, Lorsque Michel Rocard forma son gouvernement, Jack Lang, pressenti pour redevenir ministre de la Culture, avait sollicité un changement de nom concernant son ministère : il voulait être ministre de lIntelligence et de la Beauté. Plus sensible au ridicule quaux bienfaits de la « communication », Rocard lenvoya sur les roses, comme il convient à un socialiste.en direct, dans son journal sur la 3.
Quon se le dise, nos ministres ont autre chose à faire, que diable ! Tantôt, tout préoccupés quils sont à terroriser les terroristes, ils sescriment à interdire à quelques beurettes anonymes le port de leur voile prétendument « islamique » (chers Françaises-Français qui navez jamais plongé le nez dans le Coran, allez donc vérifier en Inde, en Afrique noire, aux États-Unis, en Chine, en Indonésie, en ex-Yougoslavie, et pourquoi pas au Bangladesh, si les femmes musulmanes sont voilées ! Jen ris davance), tantôt ils cherchent dinédites façons de baisser leur froc devant les marchands de pétrole dIran ou dArabie Saoudite, ce pays modèle où les femmes nont même pas le droit de conduire une voiture, et risquent un examen gynécologique si elles sont surprises en bagnole en compagnie dun homme qui nest pas leur mari (authentique). Nest-elle pas émouvante, cette vocation du strip-tease chez des gens comme Juppé ou Balladur, quon imaginait plus assidus à la grand-messe dominicale de Saint-Honoré dEylau quau Crazy Horse Saloon ?
À votre place, madame, jaurais fait preuve desprit pratique, et jaurais pris un pseudonyme, je ne sais pas, moi, nimporte lequel, Duvallier, Bokassa, Aoun, Le général Aoun fut un éphémère Président du Liban. Il finit exilé en France.ou même Khomeiny : une fausse barbe aurait pu suffire, en complément de lombre légère qui orne si joliment votre lèvre supérieure. Sans aucune difficulté, alors, vous auriez décroché visa ET protection policière.
Quoi, « la police nest pas sûre », quoi, « la police nest pas sûre » ? Vous trouvez ça malin, vous, de ricaner sur linefficacité prétendue de nos admirables flics ? La police française, que je sache, sest montrée parfaitement opérationnelle lorsquil sest agi de rassembler, dencadrer et dassurer lescorte sûrement afin de les protéger des 12 884 Juifs, dont 4155 enfants, raflés pour Auschwitz via le Vel dHiv, en juillet 1942. Ah ! les braves « G.O. » que voilà ! Comme on en voudrait en masse, des flics de cette trempe ! Or, qui peut le plus peut le moins, et ce nest pas Chapour Bakhtiar Ancien Premier ministre du shah dIran, et assassiné en banlieue parisienne par les émissaires de Khomeiny, malgré lefficace protection de la police française.qui viendra dire le contraire !
Alors, cest convenu, on fait comme ça : vous venez, on vous attend.
Deuxième heure)
Jignore, madame, si ma lettre vous est bien parvenue, mais jincline à penser que la Poste devait être une fois de plus dans son état normal, cest-à-dire en grève, puisque vous navez pas répondu à notre invitation. Quà cela ne tienne, tout sest bien passé finalement. Surtout pour vous. Jétais donc, hier soir, devant mon téléviseur, plein dune impatience légitime, comme on dit chez les Orléans : on vous avait ratée chez Pivot, on allait vous voir casser la cabane à Cavada, puisque vous étiez la vedette de La marche du siècle.
Eh bien, excusez-moi de vous le dire, ça a été, en fait et comme dhabitude, La marche de la sieste. Il y a des soirs où lon ferait mieux de regarder M6.
Le « plateau », selon le terme consacré pour les fromages et les spectacles de télé, était composé détrange façon ; le maître dhôtel Cabana avait invité lusurpateur Toubon, qui fait ministre en attendant le retour de Jack Lang, et dont lHistoire retiendra moins lactivisme chiraquien cest beau comme une cause perdue ! que ses efforts en vue de perpétuer la culture du ridicule au ministère du même nom. Pourquoi Toubon ? Peut-être pour vous présenter les excuses du gouvernement français à la place de Pasqua et de Juppé, pauvre Toubon ! Mais non, au dernier moment, pas de Toubon. Et pauvres de nous, encore une occasion manquée de se foutre de sa gueule ! Alors, Jacquot, on se dégonfle ? Ou cest Lise Lise Toubon passe pour être linspiratrice très active de son ministre de mari.qui navait pas donné sa permission de minuit ?
En compensation, heureusement, une belle série de potiches salignait face à lestrade du prof Canada (Dry) : William Boyd, écrivain américain, élève sérieux, mais peut mieux faire, et qui navait pas grand-chose dautre à foutre là que de rappeler son existence aux millions de téléspectateurs qui ignorent jusquà son nom, mais cest toujours ça de pris ; puis, Manuel Varga Llosa, écrivain péruvien et belle tête de premier rôle, dont les seuls rapports avec la censure politique semblent se borner à la veste quil sest fait tailler aux élections présidentielles de son pays en 1991, mais à ce compte-là on aurait pu convier Giscard, on se serait davantage marrés ; pour une fois, on avait échappé à Bernard Lévy, lentarté à répétition, qui se fait appeler Bernard-Henri Lévy par dépit de ne point porter un nom plus ronflant ; mais Jean Daniel, lui, était présent (ouf ! Au moins un intellectuel denvergure) ; Cest de lironie, faut-il le préciser ? Un de mes amis marocains sétant retrouvé injustement en prison pour un délit de droit commun, en loccurrence une infraction à la religion officielle de son pays, jai fait appel à Jean Daniel, qui sétait vanté, lui un homme de gauche, dêtre lami du roi Hassan II, afin quil daignât intervenir. Rendons-lui cette justice, il ma répondu immédiatement mais pour me dire quil avait cessé dêtre lami du roi ; ou, plus exactement, quil ne lavait jamais été vraiment. Cétait le roi, paraît-il, qui recherchait lamitié de Jean Daniel, mais celui-ci avait toujours traîné les pieds, avant de prendre ses distances définitivement. On imagine cela : un roi en exercice courtisant en vain le très modeste directeur du « Nouvel Observateur », et ce dernier refusant de succomber. Cest beau Patricia Highsmith, lauteur britannique de polars à succès (Linconnu du Nord-Express, cétait elle ; Plein soleil, également), invitée sans raison apparente elle aussi, mais « trop fatiguée », avait produit un mot dexcuse de ses parents.
Et enfin, deux écrivains réellement menacés, eux, par le fanatisme religieux, lAlgérien Rachid Boudjedra et le Nigérian Wolé Yolinka, prix Nobel de littérature. Ces deux-là, je ne leur balancerai pas de vanne, ce sont de vraies pointures.
Ah, madame, comme je vous en veux ! Quest-ce quon sest fait suer ! Pourquoi nêtre pas venue ici même, plutôt quà la télé ? Lémission sur France 3 aurait pu prendre fin au bout dune demi-heure, quon ne sen serait pas portés plus mal. Labbé Radada, qui officiait, peut-être troublé par lincident de la photo truquée des trois jeunes et sûrement paisibles banlieusards quune précédente Marche du siècle avait utilisée pour illustrer le terrorisme islamiste, Un technicien chargé des trucages vidéo de La Marche du Siècle avait utilisé lanodine photo de trois jeunes Arabes sur un décor de HLM, et les avait affublés de barbes dessinées à la palette graphique, afin dillustrer un commentaire sur laction des islamistes dans les banlieues de France. Les trois jeunes sétaient reconnus et avaient vivement protesté. Cavada dut présenter ses excuses ce soir-là. et par les excuses dont il dut se fendre à leur égard, trébucha plus que jamais sur son habituel point faible : les noms des invités, quil narrive jamais à prononcer sans accident de parcours. Peut-être afin dimiter les bonnes manières du délicat Jean-Édern Hallier, lequel écorche systématiquement votre prénom (il prononce « Tasmina »), vous fûtes ainsi rebaptisée « Taslina », cest plus joli comme ça.
On ne sait pourquoi, il préféra également vous appeler « mademoiselle », parce que ça fait plus courtois, semblait-il croire et à mon avis, il devrait lire Nadine de Rothschild. Nadine de Rothschild aurait pu révéler à Cavada que, lorsquon ignore si une femme est mariée ou non, on doit lui dire « madame », pas « mademoiselle » ! Wolé Yolinka, lui, sentendit donner, toute la soirée, du « Yolé ». Pourquoi pas « iodlé » ? Ça nous aurait rappelé le Tyrol !
Déjà, lan passé sur France Inter, Jean-Marie Cavanna avait invité le journaliste écrivain Gerald Messadié, et sétait obstiné à lappeler, une heure durant, « monsieur Massadié », procédé qui fait toujours plaisir à un invité lorsque, ayant vendu un million dexemplaires de son dernier roman, Lhomme qui devint dieu, biographie non conformiste de Jésus.il se croit un peu connu, mais douche froide qui nen est pas moins salutaire quand on a la grosse tête. Merci, Chabadabada !
De votre côté, quoique présente physiquement, vous, linvitée dhonneur, nen étiez pas moins étrangement absente : à deux reprises, on dut vous répéter une interrogation que vous naviez pas pigée. Une autre fois, vous avez semblé comprendre, entrepris de répondre, mais vous perdîtes le fil en route ; il fallut vous reposer la question. Le surmenage ? La fatigue du voyage ? Lémotion de découvrir Paris, surtout entourée de mille deux cents policiers ? Mais peut-être aviez-vous été légèrement froissée quun journaliste de votre pays, interviewé avant lémission, ait émis des doutes sur votre talent décrivain (il na pas été le seul, si jen crois les critiques parues dans les journaux. Mais seul Jean-Édern Hallier, encore lui, le chouchou de Ruquier et prix Nobel de muflerie, a osé prétendre que vous nécriviez pas vos livres vous-même, comme il avait prétendu la même chose, jadis, de Simone Signoret, dans lémission dAnne Gaillard Elle y présentait chaque matin en direct et durant une heure une excellente émission de défense du consommateur. Mais, nayant pas sa langue dans sa poche (et sans doute la seule journaliste en France capable de dire « Taisez-vous, monsieur le ministre, vous navez pas la parole ! »), elle était unanimement détestée par ceux, nombreux, quelle houspillait.
Après un bref passage comme chroniqueuse à Rien à cirer (deux émissions seulement !), elle est revenue presque aussi brièvement sur France Inter, lété 1998, avec une émission bouche-trou pour la seule durée des vacances, toujours sur le même thème de la défense du consommateur
et toujours aussi mordante, même après un quart de siècle.sur France Inter ; poussant ainsi la très vindicative madame Montand, madone estampillée de la gauche militante et pétitionnaire, à exiger et obtenir la peau dAnne, son renvoi de la radio nationale, et la fin de sa carrière derrière un micro pauvre sur Anne qui navait rien vu venir. Laurent, fais gaffe à tes os !).
Bref, les préambules expédiés, vous avez plongé dans une profonde léthargie et laissé causer les autres, qui avaient peu à dire, et le firent longuement savoir. On comprend donc votre apathie, qui ne tarda guère à se communiquer aux téléspectateurs.
Dommage, car vous auriez pu animer un peu ce congrès extraordinaire des Pompes Funèbres Générales en nous apprenant, par exemple, deux ou trois détails sur un autre type dextrémistes qui sévit également dans votre pays, contre lesquels vous ne vous êtes jamais insurgée, et dont jai du mal à croire quils ne vous intéressent pas : je veux parler des fondamentalistes hindous.
Fondamentalistes hindous », ques aco ?, se demandent à cet instant précis certains de nos auditeurs. Ils ont des excuses : ces excités (je parle des fondamentalistes hindous, pas de nos auditeurs, que jamais je noserais traiter ainsi), ces excités, au contraire de ceux du FIS qui ont déjà pris pied dans nos banlieues (heureusement, ils ont épargné Neuilly. Merci mon Dieu !), restent assez rares entre Sarcelles et La Courneuve. En revanche, dans ce sous-continent quon appelait autrefois « les Indes », et dont fait partie le Bangladesh votre pays, Taslima , dans cette région du monde que, depuis Gandhi, les gens à la vue courte et aux idées sommaires associent obstinément à la non-violence, simple arme politique occasionnelle mais qui na jamais été dans le tempérament indien, ils pullulent, ces fanatiques religieux auxquels, sil revenait, le cher Gandhi ne manquerait pas de faire bouffer leur dhoti. Vu que, le 3 janvier 1948, ce nest pas un musulman, mais bien un Hindou, fanatique intégriste, qui, le croyant à tort favorable aux musulmans, justement, et à la création du Pakistan, la expédié dans lautre monde. Comme il se gourait, ce spadassin ! Favorable à lislam, Gandhi ? Du Mahatma, limmense Tolstoï, qui avait correspondu avec lui, disait à juste titre : « Son nationalisme hindou gâche tout ! ». Assassiné par les siens, Gandhi était-il un successeur de Jules César, ou un précurseur de Jacques Chirac ? Mais je mégare.
Alors comme ça, madame Nasreen, deux imams illettrés vous ont condamnée à mort ? Daccord, cest moche, et on ne voudrait pas être à votre place. Mais enfin, ceux de lautre bord, dont je parle ici et dont vous ne soufflez mot, ne laissent pas non plus leur part aux corbeaux : incendies de mosquées, massacres organisés contre les musulmans, conversions forcées, jen passe et de plus horribles. Bien vrai, vous nen avez pas entendu parler ? Bizarre, ça dure pourtant depuis avant votre naissance, depuis 1947 exactement, date de lindépendance de lInde : le départ de Bombay du dernier soldat anglais fut le début dun premier massacre qui dura six mois et fit deux millions de victimes, hindoues et musulmanes. Cette indépendance de lInde et la partition qui laccompagna provoquèrent une autre guerre : le rajah de lun des États indiens, le Cachemire, fut un moment tenté par lindépendance, mais, voyant son pays infiltré par quelques troupes pakistanaises, il se ravisa et appela lInde au secours. Sensuivit la première guerre entre lInde et le Pakistan, conclue en 1949 par le partage du Cachemire en trois provinces attribuées aux deux adversaires et à la Chine ! Et comment ne pas mentionner la deuxième guerre Inde-Pakistan, elle aussi provoquée par un événement de portée mondiale qui sétait produit à Srinagar, capitale du Cachemire et lieu dun hypothétique tombeau de Jésus ? En effet, une mosquée de Srinagar abritait un poil de barbe de Mohammed, celui que nous appelons « Mahomet », le prophète des musulmans. Or, en 1963, un quidam déroba ce poil de barbe. Ce qui entraîna une nouvelle guerre.Quel rendement ! On a lair ridicule, chez nous, avec notre guerre dAlgérie.
Et puis, arrêtez-moi si je me goure, ce ne sont pas non plus les musulmans, mais les hindous, qui ont inventé lantique système des castes, dont lapartheid défunt ne fut quune pâle imitation, et qui reposait lui aussi sur un principe dune simplicité évangélique, comme dirait Bonaldi : plus votre peau est claire, plus votre caste est élevée ! Les plus clairs de peau sont les Brahmanes, et ceux-là nont pas à se plaindre, mais vivre dans la peau dune Intouchable, vous trouveriez ça comment ?
Jen conviens, dans votre pays, lislam ne fait pas la part belle à votre sexe, quoique le Premier ministre y soit une femme et le chef de lopposition également. Mais cest surtout votre athéisme déclaré et rarissime dans le Tiers-Monde qui vous vaut les ennuis que vous connaissez, non votre appartenance au beau sexe. En somme, et si Laurent ne nous interdisait pas dans Rien à cirer les jeux de mots téléphonés (il se les réserve jalousement, légoïste !), je serais à deux doigts de dire que vous, lincroyante, prêchez pour votre clocher.
Enfin, si lislam, de votre pays et dailleurs, relègue les femmes à un rang subalterne on ne va pas prétendre le contraire , que dites-vous de cette charmante coutume hindoue, quun téléfilm diffusé voici quelques mois sur France 3 nous a remis en mémoire, et qui incite les maris, en dépit des interdictions gouvernementales, à immoler leur femme par le feu lorsque le beau-père tarde à régler la dot de la jeune épouse ? En souvenir, sans doute, de la belle époque pas si lointaine où, lorsque un homme riche décédait, on brûlait avec lui sa femme et ses serviteurs vivants. Que je sache, même les ayatollahs cinglés de Téhéran nont pas osé aller jusque là. Comme ils nont pas mis à la mode les sacrifices humains, encore en vigueur il y a seulement vingt ans chez les hindouistes adorateurs de Kali, la déesse aux cent bras, dont les bourreaux nen manquaient pas non plus (de bras).
Voilà, je suis content de vous avoir rafraîchi la mémoire. Et, qui sait, de vous avoir peut-être inspiré le sujet de votre prochain bouquin ? Vivement sa parution ! On fera une petite fête pour célébrer ça. Et on invitera Jean-Édern !