Si le Créateur du Ciel, de la Terre et de toutes ces sortes de choses mavait fait naître dans la peau du directeur de linformation dune grande radio nationale, et sil mavait pris la fantaisie, sur mes vieux jours et à quelques semaines de la fin de mon contrat, histoire de rigoler, comme ça, de me payer la tête des auditeurs en affectant de passer pour un con et daprès Courteline, il paraît que cest un plaisir de gourmet , je crois que jaurais risqué le gag que nous a servi ce cher Yvan Levaï dans sa revue de presse du mardi 5 septembre. À propos dun article mentionnant lappartenance dun certain nombre de ministres français à lOpus Dei, cette organisation plus ou moins occulte mais très franchement catho-intégriste, créée par Escriva de Balaguer et couvée par Jean-Paul II, il a déclaré tout de go à lantenne : « Personnellement, je ne sais pas ce que cest que lOpus Dei, mais les auditeurs que ça intéresse peuvent toujours se reporter à larticle du journal en question ».
Ça cest du journalisme, coco ! Et du grand professionnalisme ! Et jattends avec impatience le prochain gag dYvan. Par exemple, il pourrait nous déclarer un prochain matin : « Je ne sais pas qui est président de la République en ce moment, mais les auditeurs que ça intéresse peuvent toujours se mettre à lécoute de RTL ».
Bref, je le répète, du vrai professionnalisme. Dont relève également ce journaliste de France Inter qui, interrogeant lonorevole « Honorable », en italien.Giulio Andreotti, ex-ponte de la démocratie chrétienne en Italie et accusé de complicité avec la mafia, lui demanda, dans une interview diffusée le mardi 26 septembre, date de louverture de son procès, sil préférait la justice des hommes ou la « justice de Dieu » : chacun sait que ce genre de question, qui contient également la réponse que linterviewé se voit courtoisement invité à donner, constitue lABC du métier.
Pas chien, Andreotti fit ce quon attendait de lui et donna la bonne réponse. Il devrait passer au Jeu des Mille Francs, la fameuse émission dAlain Juppé.Rappelons que Juppé, entre autres bavures, avait diminué de mille francs le loyer de son fils, quil avait fait loger dans le même immeuble que lui, au 29 rue Jacob, propriété de la Ville de Paris.
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je trouve exaltant, comme dans le cas de ces journalistes, dêtre environné de gens compétents et qui ne vous tiennent pas pour de la roupie de sansonnet en français, et à lintention des éventuels téléspectateurs de TF1 qui nous écoutent parce quils ont la nostalgie des Niouzes : pour de la merde doiseau. Rassurant, aussi, de vérifier une fois de plus, à propos de la classe médiatico-politique dans son ensemble celle des « décideurs », la seule qui compte aujourdhui, et à laquelle appartiennent évidemment les distributeurs dinfo de la pointure de notre ami Levaï , rassurant, donc, de vérifier en quelle considération elle tient le populo.
Des gens compétents ? Ils foisonnent, pour notre plus grand bonheur ! Tenez, lautre samedi, je regardais sur la Cinquième chaîne lintéressante émission de Daniel Schneidermann, Arrêt sur images, qui débute toujours par une critique des programmes télés de la semaine écoulée. Ce jour-là, on avait invité une journaliste professionnelle, dont jai heureusement oublié le nom, à commenter une séquence de Télés-Dimanche, lémission de Michel Denisot sur Canal Plus ; cette séquence montrait une de ses consurs, quon avait envoyée aux aurores se balader du côté de la Maison de la Radio pour tenter dinterviewer Laurent Ruquier sur la suppression de son émission sur TF1, Les Niouzes. Au passage, admirons ce système digne des poupées russes : une émission de télé, celle de la Cinquième, commentant une émission de télé, celle de Canal Plus, commentant une émission de télé, celle de TF1. Cela doit rappeler aux cinéphiles un célèbre film polonais, Le manuscrit trouvé à Saragosse, qui jouait de ce procédé. Mais laissons là le cinéma et revenons à nos moutons, donc à la télévision : Ruquier sétant montré aussi loquace quaurait pu lêtre Emmanuelle Laborit si elle avait joué dans Attache-moi Attache-moi est un film de Pedro Almodóvar. Victoria Abril y était ligotée par Antonio Banderas, lequel, amoureux delle, la séquestrait. (ben oui : sans les mains, la pauvre...), la porteuse de micro avait tenté de tirer les vers du nez à deux autres personnages que le commentaire ne nommait pas, et dont lun, pince-sans-rire, avait déclaré à peu près : « On ne peut rien vous dire, sinon on va se faire sucrer nos indemnités de licenciement ! »
Priée par Schneidermann de donner son avis sur ces images poignantes, la critique en question les commenta gravement, ajoutant que ces deux personnages peu bavards étaient sans doute deux techniciens de lémission de Ruquier qui se retrouvaient ainsi sur le pavé. Cette grande professionnelle de laudiovisuel était probablement la seule à navoir pas reconnu dans ces « deux techniciens » les comédiens François Pirette et Serge Riaboukine, deux ex-piliers de Rien à cirer et des défuntes Niouzes, quelle aurait pu voir à lécran chaque jour de la semaine précédente si elle avait regardé ladite émission... au sujet de laquelle elle se trouvait invitée ce jour-là. À mon avis, TF1 devrait engager cette dame comme reporter ; elle pourrait, par exemple, assurer le compte-rendu du Conseil des Ministres, le mercredi. Devant le ballet de nos Excellences regagnant leurs limousines après le Conseil, elle pourrait ainsi nous expliquer que ce sont les huissiers de lÉlysée rentrant chez eux pour la pause déjeuner. Et Claire Chazal pourrait tranquillement préparer la mise en chantier dun deuxième mouflet sans avoir à se soucier de son intérim.
Pour rester dans la note, je suis tombé, le 20 septembre, jour où est sorti dans la discrétion la plus totale Le hussard sur le toit nest, bien sûr, pas sorti « dans la discrétion la plus totale » : ce film a fait lobjet dun battage publicitaire insensé.le film de Jean-Paul Rappeneau Le hussard sur le toit, je suis tombé, dis-je, dans le « Journal du cinéma » de Canal Plus, sur linterview du jeune comédien Olivier Martinez, qui tient le premier rôle dans le film en question. La nana intervieweuse, en veine doriginalité, le présentait comme « le beau Olivier Martinez ». Et cest vrai quil est beau, le gaillard ! Si lon veut bien noter quaujourdhui, pour tenir lemploi de jeune premier dans le cinéma français, il est fortement conseillé davoir le nez cassé, les oreilles décollées, les dents jaunâtres et plantées au petit bonheur, quelques tatouages, et dexhiber à la télé une barbe de quatre jours, des fringues fauchées aux Puces, des cheveux graisseux et de se présenter la clope au bec, oui, Olivier Martinez est beau, cest incontestable. Mais pas seulement beau : en plus, il pense ! Ainsi, interrogé sur le rôle quil tient dans le film, celui dun « gentilhomme », il avoue connaître à peine ce mot, ne lavoir jamais employé avant ce jour, mais, consciencieux, sêtre rendu dans un musée pour y « contempler quelques armures » ; après quoi, il avait pu se faire une idée de ce quétait un gentilhomme. Tout à fait, Olivier ! La méthode mérite de faire école, et jespère que le cours Florent va sempresser de ladopter : à quoi bon, en effet, perdre son temps à lire des trucs aussi chiants que, par exemple, le Don Quichotte de Cervantes, ou même, qui sait, Le bourgeois en armure de Molière ?