Nous avons laissé notre héros dans le quartier louche dAmsterdam, où la conduit sa dernière et dangereuse mission. Pendant ce temps, à 940 kilomètres de là (à vol doiseau), la douce Natacha se morfond. Tout cela nest pas bien gai.
Une sex-shop ! Voilà donc où les ordres du Vieux avaient amené JB : devant une sex-shop ! À moins quil convienne de dire UN sex-shop, ce qui, de toute façon, reconnaissez-le, ne change pas grand-chose au fond du problème.
Cest humain : JB hésita. Que faire ? Entrer, bien sûr, dût sa pudeur naturelle en souffrir ! Mais après cela ? Les instructions, des plus succinctes, ne lui indiquaient pas la conduite à suivre ensuite. Sur le comportement à observer en un tel lieu, le manuel des instructions officielles fourni par les Services faisait obstinément limpasse et restait muet. Quiconque autre que notre héros aurait rebroussé chemin, pris de panique. Quimporte ! JB, lui, était dune tout autre trempe. Cet homme dacier respira un bon coup, se fit violence, et pénétra bravement dans lofficine, tenant bien en évidence le magazine français quil sétait procuré peu auparavant, magazine sur la couverture duquel figurait un portrait en couleurs de la petite Vanessa... pardon, de la grande Vanessa Paradis, si chère au cur de tous les Français.
La shop était presque déserte. Seuls, deux touristes espagnols étaient tombés en arrêt devant le rayon « Anal-Sex », échangeant à voix basse et dans leur jargon purement local des remarques inaudibles mais quon pouvait supposer grivoises, sinon gauloises. Derrière la caisse trônait une vieille dame dapparence respectable, quon eût mieux imaginée assistant aux Vêpres à Saint-Honoré dEylau, et dont JB se dit in petto quelle se trouvait, à cet endroit, autant à sa place quun homme intègre au siège du RPR.
Arborant bien en vue lhonnête magazine, seul ici de son espèce, et qui donc ne pouvait manquer dattirer lattention, JB sapprocha de la caisse. Ce mouvement eut leffet escompté : très Régence, la duègne lui demanda, dans un français parfait quoique teinté dun fort accent batave, sil désirait quelque chose de « spécial ». Oui, elle y mit des guillemets, et, disant cela, elle ne quittait pas des yeux le portrait de la petite Vanessa ! JB en fut outré, comme tout bon Français à sa place. Cependant, et malgré sa rougeur, il se domina et nen acquiesça pas moins. Laïeule alors lui fit signe de la suivre dans larrière-boutique. JB obtempéra.
Le jeune garçon chinois abandonna son joint, et, sur un signe de lancêtre, alla remplacer celle-ci à la caisse. La femme disparut derrière un rideau ; on lentendit donner un tour de clé, ouvrir un tiroir, puis le refermer et donner un autre tour de clé. Elle reparut, porteuse dun petit paquet quelle remit à JB, avant de se réfugier dans une attitude indifférente. Elle ne prit même pas la peine, cela fait, de raccompagner son visiteur. De toute évidence, sa mission à elle était terminée.
JB prit donc congé, et retraversa en hâte létroite boutique, jetant au passage un bref regard sur les deux ex-franquistes qui sacrifiaient à la caisse, sous lil du jeune Chinois impassible, leurs dernières pesetas, déjà passablement dévaluées, dans le règlement de leur moisson de postérieurs dénudés sur papier glacé.
Le même soir, à la même heure, mais à 1260 kilomètres de là (par la route), la douce Natacha quittait son poste de guet, à la fenêtre de la chambre que nous navons pas hésité, précédemment, à qualifier de « virginale ».
Une longue journée dattente vaine sachevait ; une interminable nuit dinutile espérance commençait.
La douce Natacha essuya ses yeux de son mouchoir de dentelle, descendit dans le petit salon où veillaient ses nobles parents, et tendit son front pur aux baisers maternel et paternel. Puis elle monta se coucher, sous le regard désolé des auteurs de ses jours.
Que feriez-vous, lecteurs et lectrices, dun vibromasseur ?
Mais non, je mexprime mal.
Cette transition brutale au détour dun paragraphe pourrait vous faire croire quil existe un rapport quelconque entre la douce Natacha, que nous venons de quitter au moment où elle se disposait à se mettre au lit en pensant à JB, et cet appareil typique des temps modernes.
Or, loin de nous une telle pensée impie !
Non ! Ce que nous voulons dire, cest ceci : le paquet que la dame âgée avait remis à JB, et que celui-ci venait douvrir, à labri des regards indiscrets, dans sa luxueuse chambre dhôtel, ne contenait en tout et pour tout que cet ustensile, indispensable, certes, dans un ménage, mais incongru sous le toit même provisoire dun célibataire.
Alors, posons la question différemment : quest-ce que notre héros va bien pouvoir faire de ce vibromasseur ? Pas de réponse grivoise et de mauvais goût, je vous prie ! La réponse, vous la découvrirez dans le prochain épisode, lequel vous surprendra fort.
En attendant, ne consommez que des produits frais et sérieusement contrôlés, car Jean-Pierre Coffe le veut ainsi.