Doudou Balladur, aucun Français ne lignore même si lui ne sen vante guère, est né en Turquie ; à Smyrne précisément. Heureux Smyrnotes, leur ville collectionne les coups de veine, puisquelle a cet avantage davoir été, en outre, le lieu de naissance dHomère, lillustre auteur de LIliade et de LOdyssée.
Or, ces deux ouvrages du conteur aveugle, puisque Homère létait, à ce quon prétend, sont à ce point dissemblables, tant par le style que par les thèmes traités et les préoccupations qui sy font jour (rassurez-vous : je ne vais pas vous infliger un cours, cest en dehors de ma compétence), que quelques spécialistes en sont venus à douter quils aient été écrits de la même main ; certains vont jusquà prétendre que si LIliade, récit de guerre dont les femmes sont absentes, est bien un livre dhomme, LOdyssée, où abondent les personnages féminins et les préoccupations féminines, est en réalité luvre dune femme et notez bien que je nai pas dit « un ouvrage de dame », expression péjorative que jamais je nemploierais, crainte de me faire huer ou peut-être pis par les émules de Mrs Bobbitt, la Bardot américaine (mais elle, cest pas sur un âne quelle sest fait la main, cest sur John, son époux). LAméricain John Bobbitt avait trompé sa femme. Celle-ci len punit en lui tranchant le sexe avec un couteau. Heureusement pour le mâle émasculé, les médecins parvinrent à lui greffer le membre momentanément perdu. Pour prouver au monde entier quil avait bien recouvré sa virilité, John tourna un film porno, et donna une interview à Canal Plus, accompagné dune fille très sexy, et vêtu dun jean... très collant !
Or cette thèse, LOdyssée rédigée par une femme, nest pas complètement farfelue, même si elle bouscule un peu les idées reçues ! Un éminent professeur duniversité, Raymond Ruyer, auteur par ailleurs de La gnose de Princeton, a écrit sur ce thème un livre assez curieux, Homère au féminin. Et je suis certain que Laurence Boccolini, dont la culture féministe ne se limite pas à « Cosmo », à « Biba », au Dictionnaire anti-mecs et à La cuisine facile, est de cet avis.
En somme, il y aurait plusieurs Homère, ce qui revient à dire quHomère tel quon se limagine na jamais existé. Quil serait, en quelque sorte, et à linstar de Shakespeare, une légende littéraire.
Eh bien, les raisons ne manquent pas pour avancer que lexistence de Balladur serait, elle aussi, une légende en moins littéraire, voilà tout. Sa fermeté de rahat-loukoum, remarquée par tous, sa présence falote que même les satellites météo les plus perfectionnés ne peuvent déceler lorsquil paraît en public, hormis les jours où il condescend à danser le french-cancan sur une table (quest-ce quil fait pour être à ce point incolore, Ballamou ? Il se shoote à leau de Javel, ou quoi ?), son esprit de décision digne dun Rudolph Valentino à ses débuts (il était danseur de tango), voilà ce qui autorise les malveillants à prétendre que le Premier ministre-candidat, en fait, nexisterait pas.
Homère, Ballamou : de là à conclure que la ville de Smyrne serait spécialisée dans la production des mythes, il y a un pas que les plus mauvaises langues nhésitent pas à franchir ! Or les mythes, tout le monde le sait, ça fait des trous dans la conscience collective. Réagissons donc.
Électeurs, je vous le demande, est-il envisageable de porter au sommet de lÉtat un personnage dont lexistence nest pas prouvée ? Une sorte dectoplasme aussi tangible quune promesse de Charles Pasqua (lequel a dit, je le rappelle à ceux qui nétaient pas là, que « les promesses nengagent que ceux qui y croient », ce qui témoigne en quelle estime il tient ses électeurs) ? Et cela, au risque de nous retrouver avec un ersatz de Gerald Ford, le célèbre mâcheur de chewing-gum, De Gerald Ford, ancien Président des États-Unis, on disait quil ne pouvait faire deux choses à la fois, comme marcher et mâcher du chewing-gum ! pour décider de notre avenir ? Non, évidemment.
Par chance, il existe une solution de remplacement. Les médias nous lont révélé depuis lurette, Édouard Balladur ne fait rien sans lavis, laval et lassistance de ses deux porte-couteau, Nicolas Bazire et Nicolas Sarkozy, « les deux Nicolas », comme dit la presse, jamais en panne de formules originales. Eh bien, dans ce cas, pourquoi ne pas se passer dintermédiaire ? Pourquoi, si lon penche du côté balladurien, ne pas élire directement les deux Nicolas ? On aurait ainsi à la tête de lÉtat une dyarchie, situation inédite en France, et qui nous changerait du pouvoir personnel à tendance monarchique dont se gaussent les étrangers chaque fois quon leur parle de la « République » française.
Imaginons un peu : le nouveau chef de lÉtat pourrait prendre le nom de « Nicolas Deux », ça nous rappellerait lamitié traditionnelle de la France avec la Sainte Russie, et on pourrait en profiter pour réclamer une fois de plus à Moscou le remboursement du trop fameux emprunt russe, qui causa en 1914 la ruine de tant de petits épargnants de chez nous ! Ça tombe bien, en avril de lannée dernière, le ministre russe de lÉconomie sest déclaré favorable à ce remboursement.
Oui, je sais, je sais, jen entends déjà qui reprennent la chanson quinterprétait Dalida, autrefois, en duo avec Alain Delon : « Paroles, paroles, paroles » ; ou qui se disent, toujours à propos de ce ministre russe : « Tiens, encore un émule de Pasqua ! Même si celui-là préfère la vodka au pastis ». Bon, admettons quil y ait comme un doute.
Pourtant, auditeurs, ça nenlève rien à mon mérite. Avouez quune idée aussi géniale, élire deux présidents pour le prix dun seul, ne se trouve pas sous le pas dun cheval, ni dans le crâne dun fabricant de concept à la direction des programmes de TF1.
Aussi, jespère que le futur locataire de lÉlysée, quel quil soit, et surtout si jai contribué à son élection par la présente intervention sur la radio nationale, mappellera pour faire appel à mes compétences : mon numéro est dans lannuaire, et je ne refuserais pas un poste de conseiller à la Présidence. Cest même lun de mes rêves secrets : bien que je prenne soin de toujours porter des slips propres, je nai rien contre les éminences grises !Éminence, rappelons-le, est une marque de slip, lesquels, sils sont blancs dorigine, et portés trop longtemps, tendent à devenir gris (au mieux !). Mais lexpression « éminence grise » désigne aussi un personnage historique, le père Joseph, conseiller occulte de son Éminence le cardinal de Richelieu !