Jeudi (Oui, ma semaine commence le jeudi, pourquoi pas ?)
À loccasion du lancement dune nouvelle ligne de vêtements, le couturier Jean-Paul Gaultier avait créé un nouveau logo. Or, on vient dapprendre quil avait purement et simplement copié celui de Jean Patou, autre couturier, quoique moins tapageusement répandu dans les médias. Contrairement à lusage prudent que les journalistes font du conditionnel, je dis bien « avait copié », et non « aurait copié », car le plagiat est avéré, Jean-Paul Gaultier ayant été, pour ce délit, condamné en justice. Cette petite plaisanterie lui coûte ainsi dix briques. On ne réclamera pas la mort du pécheur, mais tout de même ! Voilà des gens quon voit sagiter tels des malades pour nous faire gober quils sont des « créatifs » (ou des « créateurs », choisissez), alors quen fait ils se contentent souvent de piquer les idées des autres, comme de vulgaires publicitaires, eux aussi pillards avérés. Et la crainte me prend quun de ces jours, on nous annonce que Charles Trenet prenait son inspiration chez les paroliers des Musclés, ou que David Copperfield, (il ne faut pas craindre le ridicule, pour prendre un tel pseudo ! Est-ce que je me fais appeler « Oliver Twist » ?), que David Copperfield, dis-je, le bateleur qui tente de se faire passer pour un magicien, avait piqué tous ses trucs à Robert Houdin.
Le même jour : dur comme fer, on croyait que les Japonais étaient des as du big business ; il se révèle que souvent, au contraire, ils font figure de charlots. En 1989, la firme Sony, dont le président fondateur vient juste de partir à la retraite, sans doute une simple coïncidence, avait racheté les studios de cinéma de la Columbia, à Hollywood, pour la modique somme de 3,4 milliards de dollars. Aujourdhui, on apprend que, depuis ce rachat, la Columbia japonaise a écopé de quelques procès et perdu 3,1 milliards de dollars. Vite, un Sonython !
Samedi
La seule lettre damour quait écrite, de toute sa vie, lécrivain Alain-Fournier, lauteur du Grand Meaulnes, est vendue aux enchères à Londres. Elle était adressée à, je cite, « Ma première Yvonne ». En effet, cet écrivain aurait aimé dans sa vie deux femmes prénommées Yvonne. Bon, penserez-vous, cétait son droit. Après tout, jai bien eu deux Fanny dans ma vie : une petite amie fana de pétanque, et une chienne épagneule.
Mais je ne sais si vous voyez ce que cela implique, et jespère quun futur biographe nous éclairera là-dessus. Car, soit Alain-Fournier ne connaissait pas encore la seconde Yvonne au moment où il écrivait à la première, et lon doit, dans ce cas, en déduire que, faute davoir pu rencontrer notre grande amie Élizabeth Teissier, il avait des qualités de voyant extralucide pour qualifier de « première » la première. Soit il avait déjà fait la connaissance du numéro 2 lorsquil écrivait au numéro 1, et le seul écrivain post-romantique du vingtième siècle, PPDA mis à part, savère ainsi être un fameux faux-cul !
Dimanche
Un wagon contenant du chlorure de vinyle sétant renversé en gare de triage dAvignon, il est nécessaire de transvaser son contenu, opération qui présente de tels dangers pour la population quon a dû évacuer tout le quartier dès six heures du matin. Entendu à la radio les appels par haut-parleur adressés aux habitants, leur demandant de « prendre les précautions habituelles ».
Profondément ignare, je ne savais pas, vous non plus sans doute, quil y avait une habitude déjà instaurée en ce domaine. Je suis heureux de lapprendre. À lavenir, je me montrerai moins distrait.
Et je suis certain que le jour où la première centrale nucléaire française nous tchernobylera dans la gueule, il se trouvera une autorité quelconque, maire, préfet, ministre, pour nous dire « Mesdames-messieurs, ne vous affolez pas, faites comme dhabitude dans ces cas-là ». Patience, on y arrive à grands pas. En attendant, je ne sais pas pourquoi cette histoire me rappelle 1984, le roman terrifiant de George Orwell. On y racontait notamment que, le dictateur « Big Brother » ayant ramené à 150 grammes par personne et par semaine la ration de chocolat attribuée à la population, le journal télévisé du soir faisait état des remerciements du peuple au Père de la Patrie pour avoir porté la ration à 150 grammes. Vous ne voyez pas le rapport ? Moi non plus !
Lundi
Balladur sexprime à TF1, où il est invité pour la quatorzième fois depuis quil est Premier ministre. « Ce quattendent les Français, cest dêtre rassurés », déclare-t-il à PPD. Lequel, dans la lune comme tous les grands poètes, je ne vois pas dautre explication, ne bronche pas. Tiens donc, tu métonnes ! Si, autrefois, la censure était surnommée « Anastasie », lautocensure aujourdhui se rebaptise « anesthésie ». Être né à Smyrne, cest bien le seul point commun de Balladur avec Homère, et si Marylin Monroe avait tourné dans Sept ans de réflexion, avec lui, en cas de dérapage dans les urnes en mai prochain, on est partis pour sept ans de roupillon.
Je sais, vous vous dites quen attendant, le mal gagne les radios-télés, doù, sans doute, la difficulté de trouver un journaliste capable de poser aux hommes politiques les bonnes questions (Anne Gaillard, reviens !) et de ne pas lâcher le morceau avant den avoir obtenu une réponse, comme cela se pratique aux États-Unis. Eh bien, je ne suis pas daccord ! Si par malheur une telle révolution se produisait dans notre pays, nous serions obligés, nous électeurs, délire des dirigeants capables de répondre. Cest trop demander.
Par conséquent, cessons de rêver quun de nos journaleux, un beau jour, rétorque au successeur de Nounours : « Mille regrets, Monseigneur, mais ce quattendent les Français, ce nest pas un supplément à leur ration quotidienne de tranquillisants ils en battent déjà le record de la consommation , cest surtout un gouvernement honnête et des ministres qui travaillent. »
Comment expliquer, en effet, et ce nest quun exemple, le nombre surprenant dExcellences qui trouvent le temps, non seulement daller pérorer dans les radios ou se pavaner dans les télés, mais aussi de publier, et peut-être même décrire des livres ? Dernier en date, François Bayrou, pourtant ministre de lÉducation nationale, poste qui ne passe pas habituellement pour une sinécure, et qui vient de sortir un livre sur Henri IV, aussitôt couronné (le livre, pas Henri IV) par un prix littéraire, décerné au « meilleur livre de lannée consacré à un roi de France » il ne doit pas y en avoir beaucoup plus dun par an, ce qui facilite la sélection , décerné, donc, par un jury que présidait la comtesse de Paris ! (Sûrement pas de la merde, son bouquin).
Eh oui, on croyait, mais on avait tort, que le boulot de ministre était assez absorbant ; et dailleurs, on ne peut pas lire une interview dun des princes qui nous gouvernent sans noter leur regret de navoir plus de vie privée, faute de temps. Comme il est impossible de soupçonner un membre du gouvernement demployer des nègres, bien obligé de conclure quon se gourait ! Alors, cherchez lerreur !
Le même jour : un médecin colonel de lArmée israélienne vivait son homosexualité, tout naturellement et sans se cacher, avec un jeune homme de 28 ans prénommé Adir. Ce mode de vie nentamait en rien ladmiration et la considération que lui valaient, semble-t-il, du simple soldat jusquau Premier ministre, son dévouement et sa compétence. Jusquici, tout baigne.
Ce médecin vient de mourir, et son compagnon exige aujourdhui que lArmée lui verse la pension quon attribue dordinaire aux conjoints survivants. La loi israélienne, en effet, nexige pas, pour les pensions de réversion, que les couples soient mariés, et, coup de bol, elle a oublié de préciser quils devaient être hétérosexuels. Adir a donc quelques chances que la Cour Suprême dIsraël lui donne raison.
Naturellement, au Parlement, les députés religieux et dextrême droite (pardon pour le pléonasme !) hurlent au scandale, et rappellent que la Torah, cest-à-dire lensemble des textes bibliques qui fondent la religion juive, prescrit la peine de mort envers les homosexuels. Rien que ça ! Décidément, les curés sont les mêmes partout, quelle que soit la secte Épilogue de laffaire : le dimanche 12 janvier 1997, on apprenait quAdir avait gagné son procès ; il aura sa pension de réversion. Laffaire traînait depuis dix ans. Vive la Justice israélienne quand même !qui les emploie.
Aussi, amis auditeurs, si vous voulez faire chier ces cons, suivez donc le conseil que donnaient naguère Font et Val dans une de leurs chansons, quils ont dailleurs chantée naguère, près dici, dans le studio voisinAu Tribunal des Flagrants Délires, « procès » dHenri Verneuil, auquel jassistais. Mais la chanson a été coupée lors du passage à lantenne, le lundi 13 septembre 1982 : lenregistrement était trop long ! : « Soyez pédés ! »
Mardi
Ça y est, le sympathique trio qui a expédié ad patres Chapour Bakhtiar, cet ancien Premier ministre iranien réfugié chez nous et que les ayatollahs avaient condamné à mort, a enfin été jugé ; lun des membres du commando écope de perpète, lautre de dix ans de réclusion. Surprise, le troisième est acquitté. Autre divine surprise : ce serait le neveu du Président iranien Rafsandjani. On annonce dailleurs que ce neveu irréprochable sera immédiatement expulsé. Bon.
Dans votre naïveté qui na dégale que la mienne, amis invisibles, vous vous posez peut-être quelques questions. Ça tombe bien, moi aussi. Posons-nous les ensemble.
Première question : pourquoi laccusé a-t-il été acquitté par la Cour dAssises ? Réponse évidente : parce quil était totalement innocent ! En France, je ne connais aucune autre possibilité. Non mais, où avez-vous vu quun coupable ait jamais échappé à la Justice, dans notre beau pays ? Où lon a plutôt tendance à suivre lautre voie : expédier au trou les innocents, pour peu quils aient le tort dêtre un peu basanés ; quand on ne leur coupe pas la tête pour leur apprendre à être bien poli avec le juge, comme, en 1976, ce fut le cas de ce pauvre Christian Ranucci, Pour le meurtre absolument pas prouvé dune petite fille. Cest la fameuse « affaire du pull-over rouge ». Le dernier guillotiné, en septembre 1977, fut un Arabe, Hamida Djandoubi, tortionnaire et assassin dune jeune femme. le dernier guillotiné cent pour cent français « de souche » de la République innocent mais, pour son malheur, trop arrogant à laudience.
Deuxième question : pourquoi linnocenté sera-t-il expulsé ? Réponse non moins évidente : parce quon avait quelque chose à lui reprocher. Quoi ? Mystère. Du moins, souvenez-vous que le gouvernement dont Charles Pasqua est le plus beau fleuron na pas lhabitude dexpulser nimporte qui : il faut au moins être étranger ET chômeur, ou dépourvu de papiers, ou sans domicile.
Comment, « ça ne pouvait pas être le cas du neveu de Rafsandjani » ? Jveux pas lsavoir ! Circulez, y a rien à voir !